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DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE FENER RUM PATRİKLİĞİ (PATRIARCAT CUMENIQUE) c. TURQUIE
(Requête no 14340/05)
ARRÊT
(Satisfaction équitable)
STRASBOURG
15 juin 2010
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
EN L'AFFAIRE FENER RUM PATRIKLIGI (PATRIARCAT CUMENIQUE) C. TURQUIE,
La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de:
- Françoise Tulkens, présidente,
- Ireneu Cabral Barreto,
- Danutė Jočienė,
- Dragoljub Popović,
- András Sajó,
- Işıl Karakaş,
- Guido Raimondi, juges,
- et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 25 mai 2010,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 14340/05) dirigée contre la République de Turquie et dont Fener Rum Patrikliği (le Patriarcat cuménique) (<< le requérant >>), a saisi la Cour le 19 avril 2005 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (<< la Convention >>).
2. Par un arrêt du 8 juillet 2008 (<< l'arrêt au principal >>), la Cour a conclu à la violation de l'article 1 du Protocole no 1. Elle a en outre estimé qu'il n'était pas nécessaire d'examiner séparément les griefs tirés des articles 6 et 14 de la Convention, ce dernier combiné avec l'article 1 du Protocole no 1.
3. En s'appuyant sur l'article 41 de la Convention, le requérant exposait que la manière la plus adéquate pour le Gouvernement de réparer le préjudice causé serait de lui restituer le bien litigieux. Pour le cas où le Gouvernement ne pourrait le restituer, le requérant se disait prêt à envisager un dédommagement et réclamait une somme équivalant à la valeur marchande du bien, qu'il chiffrait à 80 000 000 euros (EUR). Le requérant réclamait également 10 000 EUR pour préjudice moral. Il sollicitait par ailleurs 50 000 EUR pour tous les frais et dépens engagés lors des procédures menées devant les juridictions nationales et les organes de la Convention.
4. La question de l'application de l'article 41 de la Convention ne se trouvant pas en état, la Cour l'a réservée et a invité le Gouvernement et le requérant à lui soumettre par écrit, dans les six mois, leurs observations sur ladite question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir.
5. Tant le requérant que le Gouvernement ont déposé des observations.
Les faits postérieurs à l'arrêt au principal
6. Comme il a été indiqué dans l'arrêt au principal (§§ 13-16), la Direction générale des fondations, invoquant l'article 1 de la loi no 2762, avait émis le 22 janvier 1997 un arrêté dans lequel elle avait qualifié la Fondation de l'orphelinat grec de Büyükada pour garçons (<< la Fondation de l'orphelinat >>) en faveur de laquelle le transfert de propriété avait eu lieu de fondation << désaffectée >> (mazbut), alors que celle-ci avait appartenu jusqu'à cette date à la catégorie des fondations << attachées >> (mülhak).
7. Par la suite, le 4 avril 1997, la Fondation de l'orphelinat saisit le tribunal administratif d'Istanbul d'une demande tendant à l'annulation dudit arrêté. Dans un premier temps, elle fut déboutée. Toutefois, à la suite d'un recours en rectification introduit par le requérant, l'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat, dans un arrêt du 4 décembre 2008, considéra notamment que la Fondation de l'orphelinat, qui possédait un certain nombre de biens immobiliers et qui donnait des bourses à un certain nombre d'élèves, ne pouvait être qualifiée de fondation << désaffectée >>. Elle infirma ainsi le jugement du 29 septembre 2006 adopté par le tribunal administratif qui avait confirmé le classement en question.
8. La Direction générale des fondations introduisit un recours en rectification contre l'arrêt du 4 décembre 2008. Il ressort du dossier que cette procédure est toujours pendante devant les tribunaux administratifs.
9. Le requérant a présenté à la Cour une lettre datée du 31 mars 2006, signée par le conseil général de la Fondation de l'orphelinat, dans laquelle celui-ci déclarait n'avoir jamais réclamé l'inscription du bien litigieux au nom de la Fondation en question.
EN DROIT
10. Aux termes de l'article 41 de la Convention,
<< Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. >>
A. Dommage
1. Arguments du requérant
11. D'emblée, le requérant met l'accent sur la particularité du bien en question et sur son importance pour la communauté grecque orthodoxe de Turquie. Ce bien consiste en un terrain d'une superficie de 23 255 m2, sis au sommet de la colline principale de l'île de Büyükada (Istanbul), sur lequel se dressent un bâtiment principal de cinq étages, initialement destiné à être utilisé comme hôtel, et un bâtiment annexe de deux étages. Le bâtiment principal, construit de 1898 à 1900, constitue l'un des plus vieux et vastes palais en bois d'Europe, d'une valeur culturelle, architecturale et historique unique, et ayant hébergé plus de 3 000 orphelins grecs.
12. Par ailleurs, afin de démontrer l'importance du bien en question pour la communauté grecque en Turquie, ainsi que pour le Patriarcat cuménique, Sa Sainteté le patriarche cuménique Bartholoméos Ier a présenté un mémorandum à la Cour le 4 septembre 2007. A ses yeux, le bien en question, compte tenu de sa longue affectation à l'orphelinat et de par son usage, est l'un des symboles de l'identité de la minorité grecque en Turquie et du patrimoine historique du Patriarcat cuménique.
13. Le requérant a également présenté une lettre adressée par Sa Sainteté à la Commission européenne le 25 février 2009. Le patriarche cuménique Bartholoméos Ier y exprimait son intention de créer dans le bâtiment en question un centre permanent dédié à l'éducation environnementale.
14. Le requérant se réfère également à l'arrêt de l'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat qui avait infirmé le jugement du 29 septembre 2006 et qui avait ainsi considéré que la Fondation de l'orphelinat ne pouvait être qualifiée de fondation << désaffectée >> (paragraphe 7 ci-dessus).
15. Eu égard à ces caractéristiques, le requérant estime que la manière la plus adéquate pour le Gouvernement de réparer le préjudice causé serait de lui restituer le bien litigieux. Par ailleurs, se référant à la lettre du 31 mars 2006 signée par le conseil général de la Fondation de l'orphelinat, il souligne que celle-ci n'a jamais réclamé l'inscription du bien en question au nom de la Fondation de l'orphelinat (paragraphe 9 ci-dessus).
16. A défaut de restitution, le requérant demande à être intégralement dédommagé et réclame une somme couvrant la valeur marchande du bien en question. A l'appui de ses prétentions, il se réfère à deux rapports d'expertise, établis l'un le 19 août 2004 par Som Kurumsal Gayrimenkul Değerlendirme ve Danışmanlık Hizmetler A.Ş. (Som société anonyme d'expertise et d'estimation immobilière) et l'autre le 21 août 2007 par la société anonyme Lambert Smith Hampton (Hellas). Le premier rapport concluait que la valeur marchande des biens à la date de l'estimation était de 41 000 000 de livres turques (TRY) (environ 22 777 777 EUR). Quant au deuxième rapport d'expertise, il concluait que la valeur marchande des biens était de 57 500 000 EUR.
17. Le requérant demande à la Cour de prendre en compte l'estimation réalisée par la société anonyme Lambert Smith Hampton (Hellas).
18. Il réclame également 10 000 EUR pour préjudice moral.
2. Arguments du Gouvernement
19. Le Gouvernement observe d'emblée que le titre de propriété du bien litigieux est actuellement inscrit au registre foncier au nom de la Fondation de l'orphelinat. Se référant à l'arrêt de l'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat qui a infirmé le jugement du 29 septembre 2006 et qui a ainsi considéré que la Fondation de l'orphelinat ne pouvait être qualifiée de fondation << désaffectée >>, il rappelle que cette procédure concernant le statut de la Fondation est actuellement pendante devant les tribunaux administratifs.
20. Il souligne que, dans l'hypothèse où la procédure susmentionnée aboutirait à l'annulation de la décision par laquelle la Fondation a été classée fondation << désaffectée >>, dans le sens de l'arrêt de l'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat, il ne disposerait d'aucun pouvoir concernant la propriété en question puisque la Fondation de l'orphelinat deviendrait le propriétaire légitime de ce bien.
21. Par ailleurs, il affirme que, quelle que soit la solution retenue par les juridictions internes, le bien en question appartiendra toujours à la communauté grecque en Turquie.
22. Même dans l'hypothèse où le recours en rectification introduit par la Direction générale des fondations serait favorablement accueilli par le Conseil d'Etat, le Gouvernement ne disposerait que d'un pouvoir très limité sur le bien en question, étant donné que celui-ci serait géré par la Direction au nom de la Fondation de l'orphelinat, conformément à ses buts.
23. Dans ces circonstances, selon le Gouvernement, l'octroi d'une compensation constitue l'unique manière adéquate de redresser le préjudice en cause. Cette compensation consisterait en la valeur du terrain et du bâtiment de l'orphelinat. A cet égard, en ce qui concerne le dommage matériel, le Gouvernement conteste l'évaluation effectuée par les experts désignés par le requérant, qu'il juge excessive et inacceptable. Il soutient également qu'aucune somme n'est due au requérant pour non-jouissance du bien en question au motif que l'intéressé n'aurait jamais réellement fait usage du bien en question. Il rappelle également que le requérant ne s'est pas opposé au montant déclaré par la Direction générale des fondations lorsque celle-ci avait engagé un recours en annulation du titre de propriété. Ce montant était de 1 100 TRY.
24. Par ailleurs, il soumet une estimation initialement réalisée le 11 septembre 2007 et mise à jour le 13 mars 2009 par une commission composée de quatre fonctionnaires de la direction des projets et des études d'urbanisme près la préfecture d'Istanbul, selon laquelle la valeur du bien est de 10 830 856 TRY (environ 5 014 285 EUR).
25. Quant au dommage moral, le Gouvernement est d'avis qu'en l'espèce le constat de violation représente une réparation suffisante.
3. Appréciation par la Cour
26. La Cour rappelle qu'un arrêt constatant une violation entraîne pour l'Etat défendeur l'obligation juridique de mettre un terme à la violation et d'en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (voir, par exemple, Brumărescu c. Roumanie (satisfaction équitable) [GC], no 28342/95, § 19, CEDH 2000I).
27. Elle rappelle également que les Etats contractants parties à une affaire sont en principe libres de choisir les moyens dont ils useront pour se conformer à un arrêt constatant une violation. Ce pouvoir d'appréciation quant aux modalités d'exécution d'un arrêt traduit la liberté de choix dont est assortie l'obligation primordiale imposée par la Convention aux Etats contractants : assurer le respect des droits et libertés que celle-ci garantit (article 1). Si la nature de la violation permet une restitutio in integrum, il incombe à l'Etat défendeur de la réaliser, la Cour n'ayant ni la compétence ni la possibilité pratique de l'accomplir elle-même. Si, en revanche, le droit national ne permet pas ou ne permet qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de la violation, l'article 41 habilite la Cour à accorder, s'il y a lieu, à la partie lésée la satisfaction qui lui semble appropriée (ibidem, § 20).
28. En l'espèce, la Cour observe que l'affaire portait sur l'annulation du titre de propriété du requérant par une décision de justice. Il s'agissait d'un bien acquis par le requérant en 1902 au moyen de fonds propres. En 1903, l'usage du bien avait été cédé à la Fondation de l'orphelinat. Cette affectation avait été apposée sur le registre foncier. Cependant, le requérant a toujours été mentionné sur le registre foncier comme étant le << propriétaire >> du bien en cause.
29. Ayant admis, dans son arrêt au principal, que le bien litigieux appartenait au requérant, la Cour a estimé que l'annulation de son titre de propriété constituait une ingérence dans le droit de l'intéressé au respect de ses biens (arrêt au principal, § 66). Elle a noté également que les juridictions internes, qui avaient annulé le titre de propriété du requérant, avaient décidé de transférer la propriété du bien litigieux à la Fondation de l'orphelinat, qualifiée par la Direction générale des fondations de fondation << désaffectée >> ayant cessé ses activités caritatives. La Cour a, par conséquent, conclu que le bien en question n'appartenait plus au requérant et qu'il serait géré par ladite Direction, un établissement public placé sous la tutelle du Premier ministre (arrêt au principal, § 68).
30. Dans son arrêt au principal, la Cour, si elle n'a pas jugé que la privation de propriété en question était arbitraire, a cependant émis des réserves quant à son fondement. Elle s'est notamment exprimée comme suit :
<< 91. (...) même en considérant que le bien en question a été destiné à un usage déterminé pendant de longues années, rien ne donne à penser que cette affectation devait aboutir à vider de son contenu le droit de propriété. Même si le fait que le Gouvernement défendeur a voulu préserver la destination initiale du bien en question ne pose pas problème en soi, la Cour estime que les autorités turques ne pouvaient procéder à une telle privation de propriété sans prévoir une indemnisation adéquate pour le requérant. Or force est de constater qu'en l'espèce celui-ci n'a pas reçu la moindre indemnisation.
92. Dans ces conditions, à supposer même que l'on ait pu démontrer que la privation de propriété était prévue par la loi et servait une cause d'utilité publique, la Cour estime que le juste équilibre à ménager entre la protection de la propriété et les exigences de l'intérêt général a été rompu et que le requérant a supporté une charge spéciale et exorbitante. Partant, il y a eu violation de l'article 1 du Protocole no 1. >>
31. A la lumière du raisonnement ci-dessus, la Cour estime que la réinscription du bien litigieux au nom du requérant sur le registre foncier placerait l'intéressé autant que possible dans une situation équivalant à celle où il se trouverait si les exigences de l'article 1 du Protocole no 1 n'avaient pas été méconnues. A cet égard, elle ne saurait suivre l'argument du Gouvernement selon lequel l'octroi d'une compensation constitue l'unique manière adéquate pour le redressement du préjudice en cause. A ce sujet, elle se réfère au paragraphe 61 de l'arrêt au principal :
<< (...) Il est vrai que, dès le début, l'immeuble litigieux a été affecté à un usage déterminé, en l'occurrence un orphelinat, mais la Cour ne voit pas pourquoi pareille affectation exclurait en soi que le requérant en soit propriétaire. >>
32. Par ailleurs, la Cour a accordé << de l'importance au fait qu'à la suite de l'adoption des lois [portant modification du régime des fondations] (...) la Fondation de l'orphelinat n'a pas (...) revendiqué un quelconque titre de propriété >> (arrêt au principal, § 64). A cet égard, elle prend acte de la lettre du conseil général de la Fondation de l'orphelinat, dans laquelle celui-ci déclarait n'avoir jamais réclamé l'inscription du bien en question au nom de la Fondation de l'orphelinat (paragraphe 9 ci-dessus).
33. Par conséquent, pour la Cour, l'octroi d'une compensation au requérant ne peut passer pour un redressement adéquat, dans la mesure où cette solution tend essentiellement à entériner une situation jugée contraire aux exigences de l'article 1 du Protocole no 1. Par ailleurs, la Cour prend acte de l'arrêt du 4 décembre 2008 rendu par l'assemblée du contentieux du Conseil d'Etat, qui avait considéré notamment que la Fondation de l'orphelinat, qui possédait un certain nombre de biens immobiliers et qui donnait des bourses à un certain nombre d'élèves, ne pouvait être déclarée << désaffectée >>.
34. En outre, la Cour rappelle avoir jugé, dans l'affaire Bozcaada Kimisis Teodoku Rum Ortodoks Kilisesi Vakfı c. Turquie (no 2) (nos 37646/03, 37665/03, 37992/03, 37993/03, 37996/03, 37998/03, 37999/03 et 38000/03, § 68, 6 octobre 2009), que la restitution du cimetière de la communauté grecque de l'île de Bozcaada, d'une chapelle et d'un ancien monastère, biens ayant des caractéristiques spécifiques, constituait l'unique mode adéquat de redressement (voir, mutatis mutandis, Vontas et autres c. Grèce, no 43588/06, § 50, 5 février 2009). Elle observe que ces considérations s'appliquent mutatis mutandis à la présente espèce, compte tenu de l'importance du bien litigieux dans le patrimoine du requérant.
35. En conclusion, pour la Cour, dans la présente affaire, la réinscription au registre foncier du titre de propriété du bien en question au nom du requérant constitue l'unique manière adéquate de redressement du préjudice subi. Il n'y a donc pas lieu de se prononcer sur un éventuel dédommagement pécuniaire.
36. Quant au dommage moral, la Cour considère que la violation de la Convention a porté à l'intéressé un tort moral certain, résultant du sentiment d'impuissance et de frustration face à la dépossession de son bien. Statuant en équité, elle alloue au requérant 6 000 EUR de ce chef.
B. Frais et dépens
37. Le requérant demande le remboursement de 53 651,12 TRY pour les frais engagés devant les juridictions nationales. A l'appui de ses prétentions, il soumet une quittance concernant le paiement d'une créance dans le cadre d'un dossier no 2009/6244, ordonné par le tribunal de première instance d'Adalar le 20 avril 2005 (dossier no 2005/9E et 2005/40K). Il sollicite en outre 50 000 EUR pour tous les autres frais et dépens exposés dans les procédures menées devant les juridictions nationales et les organes de la Convention. Il présente un tarif et un décompte des heures de travail effectuées par sa défense.
38. Le Gouvernement estime ces prétentions déraisonnables. Quant aux frais et dépens, il considère que le montant demandé est exorbitant et qu'il n'est pas étayé par des pièces justificatives suffisantes.
39. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En outre, lorsque la Cour constate une violation de la Convention, elle n'accorde au requérant le paiement des frais et dépens qu'il a exposés devant les juridictions nationales que dans la mesure où ils ont été engagés pour prévenir ou faire corriger par celles-ci ladite violation.
40. S'agissant du montant réclamé en remboursement des frais exposés devant les juridictions nationales, il n'est pas certain que ces prétentions soient suffisamment étayées pour satisfaire totalement aux exigences de l'article 60 § 2 du règlement de la Cour. Par ailleurs, la Cour trouve excessive la somme sollicitée au titre des honoraires de la défense. Elle considère dès lors qu'il y a lieu de ne rembourser les frais qu'en partie. Compte tenu des circonstances de la cause, elle juge raisonnable d'allouer au requérant 20 000 EUR.
C. Intérêts moratoires
41. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
1. Dit
a) que, dans les trois mois à compter du jour où le présent arrêt sera devenu définitif en vertu de l'article 44 § 2 de la Convention, l'Etat défendeur doit procéder à la réinscription du bien litigieux au nom du requérant dans le registre foncier ;
b) que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif en vertu de l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir en livres turques au taux applicable à la date du règlement :
i. 6 000 EUR (six mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage moral,
ii. 20 000 EUR (vingt mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt par le requérant, pour frais et dépens ;
c) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
2. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 15 juin 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
- Françoise Elens-Passos - Françoise Tulkens
- Greffière adjointe - Présidente