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CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE DOGRU c. FRANCE
(Requête no 27058/05)
ARRÊT
STRASBOURG
4 décembre 2008
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à larticle 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En laffaire Dogru c. France,
La Cour européenne des droits de lhomme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :
Peer Lorenzen, président,
Jean-Paul Costa,
Karel Jungwiert,
Volodymyr Butkevych,
Renate Jaeger,
Mark Villiger,
Isabelle Berro-Lefèvre, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 13 novembre 2008,
Rend larrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A lorigine de laffaire se trouve une requête (no 27058/05) dirigée contre la République française et dont une ressortissante de cet Etat, Mlle Belgin Dogru (<< la requérante >>), a saisi la Cour le 22 juillet 2005 en vertu de larticle 34 de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des libertés fondamentales (<< la Convention >>).
2. La requérante, qui a été admise au bénéfice de lassistance judiciaire, est représentée par Me M. Bono, avocat à La Ferté-Macé. Le gouvernement français (<< le Gouvernement >>) est représenté par son agent, Mme E. Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.
3. La requérante alléguait une violation de son droit à la liberté religieuse ainsi quà son droit à linstruction garantis par les articles 9 de la Convention et 2 du Protocole no 1.
4. Le 7 novembre 2006, la Cour a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Comme le permet larticle 29 § 3 de la Convention, il a en outre été décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le fond de laffaire.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE LESPÈCE
5. La requérante est née en 1987 et réside à Flers.
6. La requérante, alors âgée de onze ans et de confession musulmane, était scolarisée pour lannée 1998-1999 dans une classe de sixième dun collège public de la ville de Flers. A compter du mois de janvier 1999, elle se présenta au collège les cheveux couverts dun foulard.
7. A sept reprises au cours du mois de janvier 1999, la requérante se rendit en cours déducation physique et sportive la tête couverte et refusa denlever son foulard malgré les demandes répétées de son professeur et ses explications concernant lincompatibilité du port dun tel foulard avec la pratique de léducation physique. Le professeur adressa deux rapports au chef détablissement en date des 22 janvier et 8 février 1999.
8. Lors de sa réunion du 11 février 1999, le conseil de discipline du collège prononça lexclusion définitive de la requérante pour non-respect de lobligation dassiduité, en raison de labsence de participation active de la requérante à ses séances déducation physique et sportive.
9. Les parents de la requérante interjetèrent appel de cette décision devant la commission académique dappel.
10. Par un arrêté en date du 17 mars 1999, le recteur de lacadémie de Caen confirma la décision du conseil de discipline du collège, après avoir recueilli lavis de la commission académique dappel, laquelle se fonda sur quatre motifs :
lobligation dassiduité (telle que définie à larticle 10 de la loi dorientation sur léducation no 89-486 du 10 juillet 1989, à larticle 3-5 du décret no 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissement publics locaux denseignement et par le règlement intérieur du collège) ;
les dispositions du règlement intérieur du collège, lesquelles prévoyaient que les élèves devaient être vêtus dune tenue << respectant les règles de lhygiène et de la sécurité >> et se présenter en cours déducation physique et sportive avec leur tenue de sport ;
une note de service no 94-116 du 9 mars 1994 relative à la sécurité des élèves lors de la pratique des activités scolaires, laquelle précisait que << lobservation scrupuleuse de la réglementation régissant la responsabilité des membres de lenseignement nocculte pas la très large part dappréciation personnelle qui est laissée à lenseignant dans la gestion des situations concrètes >> et que << dans le cadre de la conduite de son cours lenseignant doit être en mesure de repérer et de faire cesser tout comportement délèves pouvant devenir dangereux et qui ne présenterait pas un caractère de soudaineté et dimprévisibilité >> ;
une décision du Conseil dEtat en date du 10 mars 1995, aux termes de laquelle la juridiction administrative avait estimé que le port dun foulard en signe dappartenance religieuse était incompatible avec le bon déroulement des cours déducation physique et sportive.
11. La requérante indique quelle suivit par la suite des cours par correspondance afin de poursuivre sa scolarité.
12. Le 28 avril 1999, les parents de la requérante, agissant en leurs noms propres et en qualité de représentants légaux de leur fille mineure, saisirent le tribunal administratif de Caen dune demande tendant à lannulation de larrêté du recteur dacadémie.
13. Le 5 octobre 1999, le tribunal rejeta cette demande. Il considéra que la requérante, en se présentant aux cours déducation physique et sportive dans une tenue ne permettant pas sa participation à lenseignement concerné, avait manqué à lobligation dassiduité. Il considéra en outre que lattitude de lintéressée avait entraîné un climat de tension au sein de létablissement et que lensemble de ces circonstances était de nature à justifier légalement son exclusion définitive du collège, nonobstant sa proposition faite à la fin du mois de janvier, de remplacer le foulard par un bonnet.
14. Les parents de la requérante interjetèrent appel de ce jugement. Le 31 juillet 2003, la cour administrative dappel de Nantes rejeta leur recours, dans les mêmes termes que le jugement précédent, et considéra que la requérante, par son attitude, avait excédé les limites du droit dexprimer et de manifester ses croyances religieuses à lintérieur de létablissement.
15. Les parents de la requérante formèrent un pourvoi en cassation devant le Conseil dEtat, dans le cadre duquel ils invoquèrent notamment le droit de la jeune fille à la liberté de conscience et dexpression.
16. Le 29 décembre 2004, la Conseil dEtat déclara le pourvoi non admis.
II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
A. Le concept de laïcité en France
17. En France, lexercice de la liberté religieuse dans lespace public, et plus particulièrement la question du port des signes religieux à lécole, est directement lié au principe de laïcité, principe autour duquel la République française sest construite.
18. Découlant dune longue tradition française, le concept de laïcité trouve ses origines dans la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789, dont larticle 10 dispose que << Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas lordre public établi par la loi >>. Il apparaît également dans les grandes lois scolaires de 1882 et 1886 qui instaurent lécole primaire obligatoire, publique et laïque. Mais la véritable clé de voute de la laïcité française est la loi du 9 décembre 1905, dite loi de séparation de léglise et de lEtat, qui marque la fin dun long affrontement entre les républicains issus de la Révolution française et lEglise catholique. Son article 1er énonce : << la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans lintérêt de lordre public. >> Le principe de séparation est affirmé à larticle 2 de la loi : << La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. >> De ce << pacte laïque >> découlent plusieurs conséquences aussi bien pour les services publics que pour ses usagers. Il implique la reconnaissance du pluralisme religieux et la neutralité de lEtat à légard des cultes. En contrepartie de la protection de sa liberté religieuse, le citoyen doit respecter lespace public que tous peuvent partager. Le principe est ensuite consacré par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui a valeur constitutionnelle depuis une décision du Conseil constitutionnel du 15 janvier 1975, qui énonce : << La Nation garantit légal accès de lenfant et de ladulte à linstruction, à la formation professionnelle et à la culture. Lorganisation de lenseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de lEtat. >> Enfin, le principe est véritablement consacré constitutionnellement par larticle 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, qui dispose : << La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure légalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction dorigine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. >>
19. A partir des années 1980, le modèle français de laïcité est confronté à lintégration des musulmans dans lespace public, au premier rang duquel se trouve lécole.
20. En 1989 éclate la première affaire dite << du foulard islamique >>. A la rentrée de cette année, plusieurs incidents sont intervenus dans des établissements denseignement secondaire et plus particulièrement au collège de Creil, dans lOise, concernant lexclusion de trois élèves qui refusaient de retirer le foulard quelles portaient, en dépit des demandes du corps enseignant et du chef détablissement. Laffaire est très rapidement devenue un véritable débat de société. Face à labsence de réponse juridique claire et à la demande du ministre de lEducation nationale, le Conseil dEtat, dans un avis consultatif du 27 novembre 1989 (paragraphe 26 cidessous), a indiqué la position quil convenait dadopter face aux manifestations par les élèves de leur religion.
21. Quelque dix années plus tard, les questions liées au foulard sont de plus en plus nombreuses et cet avis ne semble pas avoir résolu les difficultés dans le temps. Selon un rapport remis au ministre de lEducation nationale en juillet 2005 : << Le phénomène connaîtra une véritable explosion, puisque lon passera des 3 voiles de Creil en 1989 aux 3 000 annoncés par le ministre devant le Sénat en 1994. >>(1) En France, ces crises ont vu apparaître diverses formes de mobilisation collectives autour de la question de la place de lislam dans lespace de la République. Cest dans ce contexte que, le 1er juillet 2003, le président de la République charge une commission dévaluer lapplication du principe de la laïcité dans la République. Le rapport de cette commission, dite << commission Stasi >>, du nom de son président, remis le 11 décembre 2003 au président de la République, dresse un constat quasi alarmant de la menace pesant sur la laïcité. Il relève :
<< les comportements, les agissements attentatoires à la laïcité sont de plus en plus nombreux, en particulier dans lespace public. (...) Les raisons de la dégradation de la situation (...) [en sont les] difficultés de lintégration de ceux qui sont arrivés sur le territoire national au cours de ces dernières décennies, les conditions de vie dans de nombreuses banlieues de nos villes, le chômage, le sentiment éprouvé par beaucoup de ceux qui habitent sur notre territoire dêtre lobjet de discriminations, voire dêtre boutés hors de la communauté nationale, expliquent quils prêtent une oreille bienveillante à ceux qui les incitent à combattre ce que nous appelons les valeurs de la République. (...). Dans ce contexte-là, il est naturel que beaucoup de nos concitoyens appellent de leurs vux la restauration de lautorité républicaine et tout particulièrement à lécole. Cest en tenant compte de ces menaces et à la lumière des valeurs de notre République, que nous avons formulé les propositions qui figurent dans ce rapport. (...) [A propos du foulard, le rapport relève que] pour la communauté scolaire (...) le caractère visible dun signe religieux est ressenti par beaucoup comme contraire à la mission de lécole qui doit être un espace de neutralité et un lieu déveil de la conscience critique. Cest aussi une atteinte aux principes et aux valeurs que lécole doit enseigner, notamment légalité entre les hommes et les femmes. >>
22. Cest sur la base de ces propositions que fut adoptée la loi du 15 mars 2004 (paragraphe 30 ci-dessous).
B. Larticle 10 de la loi dorientation sur léducation no 89-486 du 10 juillet 1989 (nouvel article L. 511-1 et 2 du code de léducation)
23. Larticle 10 de la loi du 10 juillet 1989, dispose :
<< Les obligations des élèves consistent dans laccomplissement des tâches inhérentes à leurs études ; elles incluent lassiduité et le respect des règles de fonctionnement et de la vie collective des établissements.
Dans les collèges et lycées, les élèves disposent, dans le respect du pluralisme et du principe de neutralité, de la liberté dinformation et de la liberté dexpression. Lexercice de ces libertés ne peut porter atteinte aux activités denseignement. >>
C. Le décret no 85-924 du 30 août 1985
24. Larticle 3-5 du décret du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux denseignement, précise :
<< Lobligation dassiduité mentionnée à larticle L. 511-1 du code de léducation consiste, pour les élèves, à se soumettre aux horaires denseignement définis par lemploi du temps de létablissement ; elle simpose pour les enseignements obligatoires et pour les enseignements facultatifs dès lors que les élèves se sont inscrits à ces derniers. Les élèves doivent accomplir les travaux écrits et oraux qui leur sont demandés par les enseignants, respecter le contenu des programmes et se soumettre aux modalités de contrôle des connaissances qui leur sont imposées. Les élèves ne peuvent se soustraire aux contrôles et aux examens de santé organisés à leur intention. Le règlement intérieur de létablissement détermine les modalités dapplication du présent article. >>
D. Le règlement intérieur du collège
25. Le règlement intérieur du collège Jean Monnet en vigueur à lépoque des faits prévoyait :
<< (...)
I c) Fréquentation. (...) Toute absence irrégulière à un cours ou à une permanence, toute sortie non autorisée sont des fautes graves qui seront sanctionnées ; (...)
II b) Tenue des élèves. (...) Une tenue discrète, décente, respectant les règles de lhygiène et de la sécurité est exigée de tous les élèves. (...) Le port, par les élèves, de signes discrets manifestant leur attachement personnel à des convictions notamment religieuses, est admis dans létablissement, mais les signes ostentatoires qui constituent en eux-mêmes des éléments de prosélytisme ou de discrimination sont interdits ; (...)
IV d) Tout élève doit se présenter au cours dE.P.S avec sa tenue de sport. >>
E. Lavis du Conseil dEtat no 346.893 du 27 novembre 1989
26. Le 27 novembre 1989, à la demande du ministre de lEducation nationale, le Conseil dEtat, réuni en assemblée, se prononça sur la compatibilité du port de signes dappartenance à une communauté religieuse dans les établissements scolaires avec le principe de laïcité. Il rendit lavis ci-après :
<< (...)
1. (...)
Le principe de la laïcité de lenseignement public, qui est lun des éléments de la laïcité de lEtat et de la neutralité de lensemble des services publics, impose que lenseignement soit dispensé dans le respect dune part de cette neutralité par les programmes et par les enseignants et dautre part de la liberté de conscience des élèves. Il interdit conformément aux principes rappelés par les mêmes textes et les engagements internationaux de la France toute discrimination dans laccès à lenseignement qui serait fondée sur les convictions ou croyances religieuses des élèves.
La liberté ainsi reconnue aux élèves comporte pour eux le droit dexprimer et de manifester leurs croyances religieuses à lintérieur des établissements scolaires, dans le respect du pluralisme et de la liberté dautrui, et sans quil soit porté atteinte aux activités denseignement, au contenu des programmes et à lobligation dassiduité.
Son exercice peut être limité, dans la mesure où il ferait obstacle à laccomplissement des missions dévolues par le législateur au service public de léducation, lequel doit notamment, outre permettre lacquisition par lenfant dune culture et sa préparation à la vie professionnelle et à ses responsabilités dhomme et de citoyen, contribuer au développement de sa personnalité, lui inculquer le respect de lindividu, de ses origines et de ses différences, garantir et favoriser légalité entre les hommes et les femmes.
Il résulte de ce qui vient dêtre dit que, dans les établissements scolaires, le port par les élèves de signes par lesquels ils entendent manifester leur appartenance à une religion nest pas par lui-même incompatible avec le principe de laïcité, dans la mesure où il constitue lexercice de la liberté dexpression et de manifestation de croyances religieuses, mais que cette liberté ne saurait permettre aux élèves darborer des signes dappartenance religieuse, qui, par leur nature, par les conditions dans lesquelles ils seraient portés individuellement ou collectivement, ou par leur caractère ostentatoire ou revendicatif, constitueraient un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande, porteraient atteinte à la dignité ou à la liberté de lélève ou dautres membres de la communauté éducative, compromettraient leur santé ou leur sécurité, perturberaient le déroulement des activités denseignement et le rôle éducatif des enseignants, enfin troubleraient lordre dans létablissement ou le fonctionnement normal du service public.
2. Le port de signes dappartenance religieuse dans les établissements scolaires peut, en cas de besoin, faire lobjet dune réglementation destinée à fixer les modalités dapplication des principes qui viennent dêtre définis (...)
Dans les lycées et collèges, cette réglementation est de la compétence du conseil dadministration de létablissement qui, (...), adopte, sous réserve du contrôle de légalité, le règlement intérieur de létablissement (...)
3. Il appartient aux autorités détentrices du pouvoir disciplinaire dapprécier, sous le contrôle du juge administratif, si le port par un élève, à lintérieur dun établissement scolaire public ou dans tout autre lieu ou sexerce lenseignement, dun signe dappartenance religieuse qui méconnaîtrait lune des conditions énoncées au 1 du présent avis ou la réglementation intérieure de létablissement, constitue une faute de nature à justifier la mise en uvre de la procédure disciplinaire et lapplication, après respect des garanties instituées par cette procédure et des droits de la défense, de lune des sanctions prévues par les textes applicables, au nombre desquels peut figurer lexclusion de létablissement.
Lexclusion dune école, dun collège ou dun lycée est possible, malgré le caractère obligatoire de linstruction, dès lors que linstruction de lenfant peut être donnée, (...), soit dans les établissements ou écoles publics ou libres, soit dans les familles par les parents, ou lun dentre eux, ou toute autre personne de leur choix, et que notamment lélève peut être inscrit au centre public denseignement par correspondance (...)
(...) >>
F. Les circulaires ministérielles
27. Le 12 décembre 1989, une circulaire du ministre de lEducation nationale, intitulée << Laïcité, port de signe religieux par les élèves et caractère obligatoire des enseignements >>, a été adressée aux recteurs, inspecteurs dacadémie et chefs détablissement. Ses parties pertinentes se lisent comme suit :
<< La laïcité, principe constitutionnel de la République, est un des fondements de lécole publique. À lécole comme ailleurs, les croyances religieuses de chacun sont affaire de conscience individuelle et relèvent donc de la liberté. Mais à lécole où se retrouvent tous les jeunes sans aucune discrimination, lexercice de la liberté de conscience, dans le respect du pluralisme et de la neutralité du service public, impose que lensemble de la communauté éducative vive à labri de toute pression idéologique ou religieuse.
Compte tenu de certains faits récents, jentends, dans le respect des droits de chacun, éviter les empiétements commis à lencontre de la laïcité. (...)
Les controverses qua provoquées le port dun foulard par quelques jeunes filles de confession islamique mont conduit, compte tenu des difficultés dinterprétation du droit, à saisir le Conseil dEtat. (...)
Lorsquun conflit surgit à propos du port de signes religieux, je vous demande ainsi quà votre équipe éducative de vous inspirer chaque fois de létat desprit suivant. Le dialogue doit être immédiatement engagé avec le jeune et ses parents afin que, dans lintérêt de lélève et le souci du bon fonctionnement de lécole, il soit renoncé au port de ces signes. (...)
Ainsi, les élèves doivent se garder de toute marque ostentatoire, vestimentaire ou autre, tendant à promouvoir une croyance religieuse. Sont à proscrire tous les comportements de prosélytisme qui vont au delà des simples convictions religieuses (...)
Les vêtements des élèves ne doivent en aucun cas empêcher laccomplissement normal des exercices inhérents à léducation physique et sportive ou aux travaux pratiques ou datelier organisés en certaines matières. De même, sont à interdire toutes les tenues susceptibles de gêner la conduite de la classe et le bon déroulement de lactivité pédagogique.
Par ailleurs, les exigences relatives à la sécurité et à la santé doivent simposer sans réserve aux élèves. Ceux ci doivent porter une tenue nentraînant aucun danger pour eux mêmes ou pour autrui au sein des établissements. (...)
Aucune atteinte ne doit être portée aux activités denseignement, au contenu des programmes et à lobligation dassiduité des élèves. La liberté dexpression reconnue aux élèves ne saurait contrevenir à ces obligations. (...)
Les élèves doivent suivre tous les enseignements correspondant à leur niveau de scolarité. (...) Dès lors, un élève ne peut en aucun cas refuser détudier certaines parties du programme de sa classe ni se dispenser de lassistance à certains cours. (...)
Le manquement à ces obligations entraîne des sanctions. >>
28. Le 20 septembre 1994, une autre circulaire du ministre de lEducation nationale est venue apporter des précisions quant au port des signes religieux. Ses parties pertinentes étaient ainsi libellées :
<< Depuis plusieurs années, de nombreux incidents sont intervenus dans les établissements scolaires à loccasion de manifestations spectaculaires dappartenance religieuse ou communautaire.
Les chefs détablissements et les enseignants ont constamment manifesté leur souhait de recevoir des instructions claires (...).
(...) il nest pas possible daccepter à lécole la présence et la multiplication de signes si ostentatoires que leur signification est précisément de séparer certains élèves des règles de vie communes de lécole. Ces signes sont, en eux mêmes, des éléments de prosélytisme, à plus forte raison lorsquils saccompagnent de remise en cause de certains cours ou de certaines disciplines, quils mettent en jeu la sécurité des élèves ou quils entraînent des perturbations dans la vie en commun de létablissement.
Je vous demande donc de bien vouloir proposer aux conseils dadministration, dans la rédaction des règlements intérieurs, linterdiction de ces signes ostentatoires, sachant que la présence de signes plus discrets, traduisant seulement lattachement à une conviction personnelle, ne peut faire lobjet des mêmes réserves, comme lont rappelé le Conseil dÉtat et la jurisprudence administrative. >>
G. La jurisprudence subséquente du Conseil dEtat
29. Depuis son avis de 1989 le Conseil dEtat a eu loccasion de statuer au contentieux et den préciser létendue. Il a par exemple annulé des règlements intérieurs détablissements scolaires interdisant strictement le port de tout signe distinctif dordre religieux en cours ou dans des locaux scolaires, du fait de la généralité de leurs termes (2 novembre 1992, no 130394, Kehrouaa ; 14 mars 1994, no 145656, Melles Yilmaz). Dans le même sens, des sanctions basées sur le simple port dun foulard par une élève dans un établissement scolaire ne sauraient être validées sil nest pas démontré que lintéressée ait accompagné ce port par un comportement lui conférant le caractère dun acte de pression ou de prosélytisme ou causé des troubles à lordre public au sein de létablissement (27 novembre 1996, no 169522, Mlle Saglamer et 2 avril 1997, no 173130, époux Mehila). Le juge administratif a en revanche validé les sanctions dexclusions définitives fondées sur le manquement à lobligation dassiduité, tel un refus pour une élève dôter son voile en cours déducation physique et sportive (10 mars 1995, no 159981, époux Aoukili ; 20 octobre 1999, no 181486, Aït Ahmad) ou le refus de se rendre à de tels cours (27 novembre 1996, no 170209, Chedouane et Wissaadane ; no 170210, Atouf ; 15 janvier 1997, no 172937 Aït Maskour et autres).
30. Le 15 mars 2004, le parlement adopta la loi no 2004-228 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics, dite loi << sur la laïcité >>. Elle insère dans le code de léducation un article L. 141-5-1 ainsi rédigé :
<< Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.
Le règlement intérieur rappelle que la mise en uvre dune procédure disciplinaire est précédée dun dialogue avec lélève. >>
31. La loi ne concerne, comme lindique la circulaire du 18 mai 2004, que << les signes (...) dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse, tels que le voile islamique, quel que soit le nom quon lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive >>.
32. Selon le rapport sur lapplication de la loi (précité, paragraphe 21 cidessus), le nombre total de signes religieux recensés en 2004-2005 est de 639. Ce total de 639 représente moins de 50 % des signes recensés lannée précédente. Dans 96 cas, les élèves ont opté pour des issues alternatives au conseil de discipline (inscription dans le privé, enseignement par correspondance) et 47 exclusions ont été prononcées. Ce rapport précise que le reste des élèves a décidé de retirer le signe religieux. A la rentrée scolaire 2005-2006, aucun incident notoire na été répertorié. Il na cependant pas été possible de trouver de données officielles sur cette question pour les rentrées subséquentes à celle de 2004.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE LARTICLE 9 DE LA CONVENTION
33. La requérante allègue une atteinte à son droit de manifester sa religion au sens de larticle 9 de la Convention, ainsi libellé :
<< 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, lenseignement, les pratiques et laccomplissement des rites.
2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire lobjet dautres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de lordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés dautrui. >>
A. Thèses des parties
1. Le Gouvernement
34. Le Gouvernement admet que les restrictions imposées à la requérante quant au port du foulard islamique au collège sont constitutives dune ingérence dans lexercice de lintéressée du droit de manifester sa religion. Il estime néanmoins que, comme dans laffaire Leyla Sahin c. Turquie ([GC], no 44774/98, 10 novembre 2005, CEDH 2005-XI), les conditions de légalité, de légitimité et de proportionnalité fixées au paragraphe 2 de larticle 9 de la Convention sont satisfaites.
35. Le Gouvernement rappelle en premier lieu que la mesure litigieuse avait une base légale en droit français. Il précise que les faits se sont déroulés en janvier 1999, soit dix ans après lintervention de lavis du Conseil dEtat du 27 novembre 1989, qui a fixé très précisément le cadre juridique relatif au port du voile dans lenseignement public et fait lobjet de très nombreux commentaires dans la doctrine et plus largement dans les médias, et la publication des circulaires du ministre de lEducation nationale. Le Gouvernement ajoute quune jurisprudence constante du juge administratif est venue confirmer et préciser les règles ainsi définies. Quant à lobligation dassiduité, il précise que la requérante ne pouvait davantage ignorer lobligation dassiduité prévue par le décret du 30 août 1985 et par larticle 10 de la loi du 10 juillet 1989. Le Gouvernement rappelle par ailleurs que le règlement intérieur du collège dans lequel la requérante était inscrite était très précis sur ces points.
36. Le Gouvernement considère ensuite que la mesure litigieuse visait un but légitime, à savoir la protection de lordre et des droits et libertés dautrui, en loccurrence le respect par les élèves du port de tenues adaptées et compatibles avec le bon déroulement des cours, tant pour des raisons de sécurité que pour des raisons dhygiène et de santé publique.
37. Enfin, lingérence était nécessaire dans une société démocratique. Le Gouvernement se réfère à cet égard à laffaire Leyla Sahin (précitée), dont il estime que la solution est transposable à la présente espèce, eu égard au fait que la mesure litigieuse était fondée pour lessentiel sur les principes constitutionnels de laïcité et dégalité entre les sexes. A cet égard, il fait valoir que la conception française de la laïcité est respectueuse des principes et valeurs protégés par la Convention. Elle permet la cohabitation apaisée de personnes appartenant à diverses confessions, en maintenant la neutralité de lespace public. Les religions bénéficient par conséquent dune protection de principe, la pratique religieuse ne pouvant trouver dautres limites que celles édictées par les lois qui simposent également à tous, ainsi que par le respect de la laïcité et de la neutralité de lEtat. Le Gouvernement ajoute que le respect de la liberté religieuse nexclut toutefois pas que les manifestations des convictions religieuses puissent faire lobjet de limitations.
38. Il souligne, quen lespèce, lexercice par la requérante du droit de manifester sa religion ne faisait pas obstacle à la faculté pour les autorités disciplinaires dexiger des élèves le port de tenues compatibles avec le bon déroulement des enseignements, sans quil y ait à justifier, dans chaque cas particulier, lexistence dun danger pour lélève ou les autres usagers de létablissement. En refusant dôter son foulard en cours déducation physique à sept reprises, la requérante a méconnu, en toute connaissance de cause, lobligation qui simposait à elle de porter une tenue adaptée au cours déducation physique.
39. En outre, le Gouvernement estime que la proposition de la requérante de porter un bonnet ou une cagoule en lieu et place de son foulard ne saurait constituer à elle seule une preuve de sa volonté de parvenir à une solution de compromis ou de son désir douverture. Le collège sétait au contraire inscrit dans une démarche de dialogue avec lintéressée avant et pendant la procédure disciplinaire (interdiction limitée aux seuls cours déducation physique, nombreuses explications données par les enseignants, temps de réflexion accordé et prolongé, etc.). A titre dexemple, le recteur avait relevé lors de la réunion de la commission académique dappel en date du 17 mars 1999 que << les professeurs acceptant, in fine, le port du voile pendant les cours ont fait preuve desprit de conciliation. Ils attendaient un geste de lélève en se pliant aux règles communément admises en EPS ... les mots << on va gagner >> montrent le refus de compromis de la famille et lenvie de ne se placer que sur le terrain juridique >>. Outre la perturbation du bon déroulement du cours déducation physique et sportive, les autorités compétentes pouvaient légitimement craindre que ce comportement ne trouble lordre dans le collège ou le fonctionnement normal du service public de lenseignement. Le tribunal administratif de Caen avait ainsi relevé que son attitude avait entraîné un climat général de tension au sein de létablissement.
40. Le Gouvernement sinterroge en outre sur les répercussions de ce comportement sur les autres élèves de la classe de la requérante qui nétait alors âgée que de onze ans. A cet égard, le Gouvernement se réfère à laffaire Dahlab c. Suisse (no 42393/98, CEDH 2001-V) dans laquelle la Cour avait ainsi relevé la difficulté dapprécier limpact quun signe extérieur fort tel que le port du foulard peut avoir sur la liberté de conscience et de religion denfants en bas âge, plus facilement influençables, ainsi que son effet prosélyte, bien que dans cette affaire il sagissait dune enseignante qui portait le foulard et non dune élève et que les enfants étaient âgés de quatre à huit ans.
41. Enfin, le Gouvernement note que, comme dans laffaire Leyla Sahin (précitée, § 120), la réglementation contestée par la requérante a été le fruit dun large débat au sein de la société française et du monde éducatif. Sa mise en uvre a été en outre guidée par les autorités compétentes (au moyen de circulaires et de règlements intérieurs) et sest accompagnée de lélaboration dune jurisprudence constante en la matière.
42. Le Gouvernement conclut que le comportement de la requérante a excédé les limites du droit de manifester ses croyances religieuses à lintérieur de son établissement scolaire et que, dès lors, les mesures prises étaient proportionnées au but poursuivi et nécessaires dans une société démocratique.
2. La requérante
43. La requérante soppose à la thèse du Gouvernement. En premier lieu, elle allègue que lingérence litigieuse nétait pas prévue par la loi. Il sagissait pour lessentiel dun avis du Conseil dEtat, de circulaires ministérielles, de décisions jurisprudentielles et quaucun de ces textes na valeur de loi ou de règlement en droit français, en ce sens quils ne simposent pas au juge chargé dappliquer le droit. La requérante souligne que les libertés individuelles, et plus spécialement la liberté religieuse, sont des libertés essentielles qui ne peuvent être limitées que par des actes ayant au minimum valeur normative et que le Gouvernement français, bien conscient de cette lacune, a jugé utile dadopter une loi le 15 mars 2004.
44. Ensuite la requérante allègue que les restrictions contestées ne poursuivaient pas un but légitime nécessaire dans une société démocratique. Contrairement à ce que prétend le Gouvernement la requérante affirme quelle na pas manqué à son obligation dassiduité mais quelle sest heurtée au refus du professeur de la laisser assister au cours. Alors quelle avait proposé de remplacer le foulard par un bonnet ou une cagoule, elle a continué de se voir refuser laccès au cours de sport. Le professeur a refusé à la requérante le droit de participer aux cours quil dispensait en mettant en avant la sécurité de celle-ci. Or, lors du conseil de discipline, lorsquil lui a été demandé en quoi le port du foulard ou dun bonnet pendant ses cours mettait en danger la sécurité de lenfant, il a refusé de répondre à la question posée. Le Gouvernement ne donne pas plus dexplication sur ce point. La requérante rappelle par ailleurs que le port du foulard avait déclenché au sein de létablissement un mouvement de grève de la part de certains professeurs sous le couvert de la défense du principe de laïcité et que ce sont ces professeurs qui sont à lorigine de troubles et perturbations et en aucun cas le comportement de la requérante, qui ne faisait aucun prosélytisme.
45. La requérante conclut que son exclusion, fondée sur le port du foulard, est une atteinte à sa liberté religieuse qui ne répond pas aux critères posés par le paragraphe 2 de larticle 9 de la Convention.
B. Appréciation de la Cour
1. Sur la recevabilité
46. La Cour constate que cette partie de la requête nest pas manifestement mal fondée au sens de larticle 35 § 3 de la Convention et quelle ne se heurte à aucun autre motif dirrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.
2. Sur le fond
47. La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence, le port du foulard peut être considéré comme << un acte motivé ou inspiré par une religion ou une conviction religieuse >> (voir Leyla Sahin, précité, § 78).
48. La Cour estime que, dans la présente affaire, linterdiction du port du voile durant les cours déducation physique et sportive et lexclusion définitive de la requérante de son établissement scolaire en raison du refus de le retirer sanalysent en une << restriction >> dans lexercice par la requérante de son droit à la liberté de religion, comme en conviennent dailleurs les parties. Pareille immixtion enfreint la Convention si elle ne remplit pas les exigences du paragraphe 2 de larticle 9. Il y a donc lieu de déterminer si elle était << prévue par la loi >>, inspirée par un ou des buts légitimes au regard dudit paragraphe et << nécessaire, dans une société démocratique >>, pour les atteindre.
a) << Prévue par la loi >>
49. La Cour rappelle que les mots << prévues par la loi >> signifient que la mesure incriminée doit avoir une base en droit interne, mais ils impliquent aussi la qualité de la loi : ils exigent laccessibilité de celle-ci aux personnes concernées et une formulation assez précise pour leur permettre de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter dun acte déterminé (voir, parmi dautres, Maestri c. Italie [GC], no 39748/98, § 30, CEDH 2004-I).
50. A lépoque des faits, aucun texte ne prévoyait explicitement linterdiction du port du voile en cours déducation physique. En effet, les faits de la présente espèce sont antérieurs à ladoption de la loi no 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les établissements scolaires publics. Dès lors, il convient de sinterroger sur le fondement légal sur lequel reposait la sanction litigieuse.
51. En lespèce, la Cour relève que les autorités internes ont justifié ces mesures par la combinaison de trois éléments que sont lobligation dassiduité, les exigences de sécurité et la nécessité dadopter une tenue vestimentaire compatible avec lexercice de la pratique sportive. Ces éléments reposaient sur des sources législatives et réglementaires, des documents internes (circulaires, notes de services, règlement intérieur) ainsi que des décisions du Conseil dEtat. La Cour doit donc rechercher si la combinaison de ces différents éléments était suffisante pour constituer une base légale.
52. Daprès la jurisprudence constante de la Cour, la notion de << loi >> doit être entendue dans son acception << matérielle >> et non << formelle >>. En conséquence, elle y inclut lensemble constitué par le droit écrit, y compris des textes de rang infralégislatif (voir, notamment, De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique, 18 juin 1971, § 93, série A no 12), ainsi que la jurisprudence qui linterprète (voir, mutatis mutandis, Kruslin c. France, 24 avril 1990, § 29, série A no 176-A).
53. Il convient dès lors dexaminer la question sur la base de ces différentes sources et en particulier de la jurisprudence pertinente des tribunaux.
54. Pour ce qui est de largument de la requérante selon lequel les libertés individuelles, en particulier la liberté religieuse, ne peuvent être limitées que par des règles ayant valeur normative, la Cour rappelle quil ne lui appartient pas de se prononcer sur lopportunité des techniques choisies par le législateur dun Etat défendeur pour réglementer tel ou tel domaine ; son rôle se limite à vérifier si les méthodes adoptées et les conséquences quelles entraînent sont en conformité avec la Convention (Leyla Sahin, précité, § 94).
55. Sur ce point, il est relevé que de telles dispositions législatives existaient et étaient contenues en particulier dans larticle 10 de la loi dorientation sur léducation du 10 juillet 1989 en vigueur à lépoque (codifié aux articles L. 511-1 et L. 511-2 du code de léducation) puisque celui-ci rappelle que << dans les lycées et collèges, les élèves disposent, dans le respect du pluralisme et du principe de neutralité, de la liberté dinformation et de la liberté dexpression >> et que << lexercice de ces libertés ne peut porter atteinte aux activités denseignement >>. Ce même article énonce que les élèves sont tenus à lobligation dassiduité et au respect des règles de fonctionnement et de la vie collective des établissements. Larticle 3-5 du décret du 30 août 1985 vient préciser le contenu de cette obligation dassiduité.
56. Ensuite, et notamment au vu de ce texte, le Conseil dEtat, dans son avis du 27 novembre 1989, est venu fixer le cadre juridique relatif au port de signes religieux dans les établissements scolaires. Dans cet avis, le Conseil dEtat a posé le principe de liberté des élèves de porter de tels signes dans lenceinte scolaire mais a également précisé les conditions dans lesquelles ils devaient être portés pour être en conformité avec le principe de laïcité. Il est notamment rappelé que le droit reconnu aux élèves dexprimer et de manifester leurs croyances religieuses à lintérieur des établissements scolaires ne peut porter atteinte aux activités denseignement, au contenu des programmes et à lobligation dassiduité, compromettre leur santé ou leur sécurité, perturber le déroulement des activités denseignement et le rôle éducatif des enseignants, enfin, troubler lordre dans létablissement ou le fonctionnement normal du service public. Le Conseil dEtat renvoie ensuite au règlement intérieur des établissements scolaires le soin détablir la réglementation destinée à fixer les modalités dapplication des principes ainsi définis. Il indique enfin quil appartient à lautorité investie du pouvoir disciplinaire dapprécier si le port dun signe religieux méconnaît ces conditions et si cette méconnaissance est de nature à justifier une sanction disciplinaire pouvant aller jusquà lexclusion. Les circulaires ministérielles de 1989 et 1994 sont ainsi venues apporter de telles directives à lattention des chefs détablissement quant à la mise en uvre de leur pouvoir de discipline sur le sujet. Le règlement intérieur du collège de Flers prévoyait quant à lui expressément linterdiction des << signes ostentatoires qui constituent en eux-mêmes des éléments de prosélytisme ou de discrimination >>.
57. Quant à lapplication dans la pratique par les autorités concernées de ces principes, il a pu être observé un certain traitement différencié entre les élèves selon les établissements scolaires, dans la mesure où les principes dégagés par le Conseil dEtat invitaient les chefs détablissement à une appréciation au cas par cas. A cet égard, la Cour rappelle que la portée de la notion de prévisibilité dépend dans une large mesure du texte dont il sagit, du domaine quil couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires. Il faut en plus avoir à lesprit quaussi clair que le libellé dune disposition légale puisse être, il existe immanquablement un élément dinterprétation judiciaire, car il faudra toujours élucider les points obscurs et sadapter aux circonstances particulières. A lui seul, un certain doute à propos de cas limites ne suffit pas à rendre lapplication dune disposition légale imprévisible. En outre, une telle disposition ne se heurte pas à lexigence de prévisibilité aux fins de la Convention du simple fait quelle se prête à plus dune seule interprétation. La fonction de décision confiée aux juridictions sert précisément à dissiper les doutes qui pourraient subsister quant à linterprétation des normes, en tenant compte des évolutions de la pratique quotidienne (Gorzelik et autres c. Pologne [GC], no 44158/98, § 65, CEDH 2004I).
58. A la lumière de la jurisprudence pertinente des tribunaux internes, la Cour observe quen dépit dune application circonstanciée sur le terrain, le juge administratif, exerçant son contrôle sur les autorités disciplinaires, a fidèlement appliqué les principes dégagés par lavis de 1989. Il a ainsi systématiquement validé des sanctions disciplinaires reposant sur lobligation dassiduité en raison du refus par une élève de retirer son voile en cours déducation physique et sportive ou du refus de se rendre à de tels cours (paragraphe 29 ci-dessus). La présente espèce est ainsi une application de la jurisprudence pertinente en la matière.
59. Dans ces conditions, la Cour conclut que lingérence litigieuse avait une base légale suffisante en droit interne. Ces règles étaient accessibles puisquil sagit pour la plupart de textes régulièrement publiés et dune jurisprudence du Conseil dEtat confirmée. En outre, la Cour relève quen signant le règlement intérieur lors de son inscription au collège, la requérante a eu connaissance de la teneur de la réglementation litigieuse et quelle sest engagée à la respecter, avec laccord de ses parents (voir Köse et autres c. Turquie (déc.), no 26625/02, CEDH 2006...). La Cour estime en conséquence que la requérante pouvait prévoir, à un degré raisonnable, quau moment des faits, le refus denlever son foulard pendant les cours déducation physique et sportive pouvait donner lieu à son exclusion de létablissement pour défaut dassiduité, de sorte que lingérence peut être considérée comme étant << prévue par la loi >>.
b) But légitime
60. Eu égard aux circonstances de la cause et aux termes des décisions des juridictions internes, la Cour peut accepter que lingérence incriminée poursuivait pour lessentiel les buts légitimes que sont la protection des droits et libertés dautrui et de lordre public.
c) << Nécessaire dans une société démocratique >>
61. La Cour rappelle que si la liberté de religion relève dabord du for intérieur, elle implique également celle de manifester sa religion individuellement et en privé, ou de manière collective, en public et dans le cercle de ceux dont on partage la foi. Larticle 9 énumère les diverses formes que peut prendre la manifestation dune religion ou conviction, à savoir le culte, lenseignement, les pratiques et laccomplissement des rites. Il ne protège toutefois pas nimporte quel acte motivé ou inspiré par une religion ou conviction et ne garantit pas toujours le droit de se comporter dune manière dictée par une conviction religieuse (Leyla Sahin, précité, §§ 105 et 212).
62. La Cour constate ensuite que dans une société démocratique, où plusieurs religions coexistent au sein dune même population, il peut se révéler nécessaire dassortir cette liberté de limitations propres à concilier les intérêts des divers groupes et à assurer le respect des convictions de chacun (Leyla Sahin, précité, § 106). Elle a souvent mis laccent sur le rôle de lEtat en tant quorganisateur neutre et impartial de lexercice des diverses religions, cultes et croyances, la paix religieuse et la tolérance dans une société démocratique. Elle estime aussi que le devoir de neutralité et dimpartialité de lEtat est incompatible avec un quelconque pouvoir dappréciation de la part de celui-ci quant à la légitimité des croyances religieuses ou des modalités dexpression de celles-ci (Leyla Sahin, précité, § 107). Le pluralisme et la démocratie doivent également se fonder sur le dialogue et un esprit de compromis, qui impliquent nécessairement de la part des individus des concessions diverses qui se justifient aux fins de la sauvegarde et de la promotion des idéaux et valeurs dune société démocratique.
63. Lorsque se trouvent en jeu des questions sur les rapports entre lEtat et les religions, sur lesquelles de profondes divergences peuvent raisonnablement exister dans une société démocratique, il y a lieu daccorder une importance particulière au rôle du décideur national. Tel est notamment le cas lorsquil sagit de la réglementation du port de symboles religieux dans les établissements denseignement, où, en Europe, les approches sur cette question sont diverses. La réglementation en la matière peut par conséquent varier dun pays à lautre en fonction des traditions nationales et des exigences imposées par la protection des droits et libertés dautrui et le maintien de lordre public (Leyla Sahin, précité, §§ 108-109).
64. La Cour rappelle aussi que lEtat peut limiter la liberté de manifester une religion, par exemple le port du foulard islamique, si lusage de cette liberté nuit à lobjectif visé de protection des droits et libertés dautrui, de lordre et de la sécurité publique (Leyla Sahin, précité, § 111, et Refah Partisi (Parti de la prospérité) et autres c. Turquie [GC], nos 41340/98, 41342/98, 41343/98 et 41344/98, § 92, CEDH 2003II). Ainsi, lobligation faite à un motocycliste, sikh pratiquant portant le turban, de porter un casque est une mesure de sécurité nécessaire et que toute ingérence que le requérant peut avoir subie de ce fait dans lexercice de son droit à la liberté de religion est justifiée par la protection de la santé (X c. Royaume-Uni, no 7992/77, décision de la Commission du 12 juillet 1978, Décisions et rapports (DR) 14, p. 234). De la même façon, les contrôles de sécurité imposés aux aéroports (Phull c. France (déc.), no 35753/03, CEDH 2005-I, 11 janvier 2005) ou à lentrée des consulats (El Morsli c. France (déc.), no 15585/06, 4 mars 2008, CEDH 2008-...) et consistant à faire retirer un turban ou un voile afin de se soumettre à de tels contrôles ne constituent pas des atteintes disproportionnées dans lexercice du droit à la liberté religieuse. Ne constitue pas non plus une ingérence disproportionnée le fait de réglementer la tenue vestimentaire des étudiants ainsi que celui de leur refuser les services de ladministration, tels la délivrance dun diplôme, aussi longtemps quils ne se conforment pas à ce règlement (en lespèce apparaître tête nue sur une photo didentité pour une étudiante portant le foulard islamique), compte tenu des exigences du système de luniversité laïque (Karaduman c. Turquie, 16278/90, décision de la Commission du 3 mai 1993, DR 74, p. 93). Dans le cadre de laffaire Dahlab (précitée), la Cour a estimé que linterdiction faite à une enseignante dune classe de jeunes enfants de porter le foulard dans le cadre de son activité était << nécessaire dans une société démocratique >>, compte tenu, notamment, du fait que la laïcité, qui suppose la neutralité confessionnelle de lenseignement, est un principe contenu dans la Constitution du canton de Genève. La Cour a mis laccent sur le << signe extérieur fort >> que représente le port du foulard et sest également interrogée sur leffet prosélytique quil peut avoir dès lors quil semblait être imposé aux femmes par un précepte religieux difficilement conciliable avec le principe dégalité des sexes.
65. En particulier, dans les affaires Leyla Sahin et Köse et autres, la Cour a examiné des griefs similaires à la présente affaire et a conclu à labsence dapparence de violation de la disposition invoquée compte tenu notamment du principe de laïcité.
66. Dans laffaire Leyla Sahin, après avoir analysé le contexte turc, la Cour a relevé que la République sétait construite autour de la laïcité, principe ayant acquis valeur constitutionnelle ; que le système constitutionnel attachait une importance primordiale à la protection des droits des femmes ; que la majorité de la population de ce pays adhérait à la religion musulmane et que pour les partisans de la laïcité le voile islamique était devenu le symbole dun islam politique exerçant une influence grandissante. La Cour a ainsi estimé que la laïcité était assurément lun des principes fondateurs de lEtat qui cadrent avec la prééminence du droit et le respect des droits de lhomme et de la démocratie. Elle a ainsi pris acte de ce que la laïcité en Turquie constituait le garant des valeurs démocratiques et des principes dinviolabilité de la liberté de religion et dégalité, quil visait également à prémunir lindividu non seulement contre des ingérences arbitraires de lEtat mais aussi contre des pressions extérieures émanant des mouvements extrémistes et que la liberté de manifester sa religion pouvait être restreinte afin de préserver ces valeurs. Elle en a conclu quune telle conception de la laïcité lui paraissait être respectueuse des valeurs sousjacentes à la Convention dont la sauvegarde peut être considérée comme nécessaire à la protection du système démocratique en Turquie (Leyla Sahin, précité, § 114).
67. Dans laffaire Köse et autres (précitée), la Cour a également estimé clairs et parfaitement légitimes les principes de laïcité et de neutralité de lécole ainsi que du respect du principe du pluralisme, pour justifier le refus daccès en cours délèves voilées à la suite du refus de ces dernières de ne pas porter le foulard islamique dans létablissement scolaire, nonobstant la réglementation en la matière.
68. Appliquant lensemble de ces principes et la jurisprudence pertinente à la présente affaire, la Cour considère que les autorités internes ont justifié la mesure dinterdiction de porter le foulard en cours déducation physique par le respect des règles internes des établissements scolaires telles les règles de sécurité, dhygiène et dassiduité, qui sappliquent à tous les élèves sans distinctions. Les juridictions ont par ailleurs relevé que lintéressée, en refusant de retirer son foulard, avait excédé les limites du droit dexprimer et de manifester ses croyances religieuses à lintérieur de létablissement.
69. Par ailleurs, la Cour observe que, de façon plus globale, cette limitation de la manifestation dune conviction religieuse avait pour finalité de préserver les impératifs de la laïcité dans lespace public scolaire, tels quinterprétés par le Conseil dEtat dans son avis du 27 novembre 1989, par sa jurisprudence subséquente et par les différentes circulaires ministérielles rédigées sur la question.
70. La Cour retient ensuite quil ressort de ces différentes sources que le port de signes religieux nétait pas en soi incompatible avec le principe de laïcité dans les établissements scolaires, mais quil le devenait suivant les conditions dans lesquelles celui-ci était porté et aux conséquences que le port dun signe pouvait avoir.
71. A cet égard, la Cour rappelle avoir jugé quil incombait aux autorités nationales, dans le cadre de la marge dappréciation dont elles jouissent, de veiller avec une grande vigilance à ce que, dans le respect du pluralisme et de la liberté dautrui, la manifestation par les élèves de leurs croyances religieuses à lintérieur des établissements scolaires ne se transforme pas en un acte ostentatoire, qui constituerait une source de pression et dexclusion (voir Köse et autres, précité). Or, aux yeux de la Cour, tel est bien ce à quoi semble répondre la conception du modèle français de laïcité.
72. La Cour note également quen France, comme en Turquie ou en Suisse, la laïcité est un principe constitutionnel, fondateur de la République, auquel lensemble de la population adhère et dont la défense paraît primordiale, en particulier à lécole. La Cour réitère quune attitude ne respectant pas ce principe ne sera pas nécessairement acceptée comme faisant partie de la liberté de manifester sa religion, et ne bénéficiera pas de la protection quassure larticle 9 de la Convention (Refah Partisi (Parti de la prospérité) et autres, précité, § 93). Eu égard à la marge dappréciation qui doit être laissée aux Etats membres dans létablissement des délicats rapports entre lEtat et les églises, la liberté religieuse ainsi reconnue et telle que limitée par les impératifs de la laïcité paraît légitime au regard des valeurs sous-jacentes à la Convention.
73. En lespèce, la Cour estime que la conclusion des autorités nationales selon laquelle le port dun voile, tel le foulard islamique, nest pas compatible avec la pratique du sport pour des raisons de sécurité ou dhygiène, nest pas déraisonnable. Elle admet que la sanction infligée nest que la conséquence du refus par la requérante de se conformer aux règles applicables dans lenceinte scolaire dont elle était parfaitement informée et non, comme elle le soutient, en raison de ses convictions religieuses.
74. La Cour note également que la procédure disciplinaire dont la requérante a fait lobjet a pleinement satisfait à un exercice de mise en balance des divers intérêts en jeu. En premier lieu, avant le déclenchement de la procédure, la requérante a refusé de retirer son foulard en cours déducation physique à sept reprises, malgré les demandes réitérées et les explications de son professeur. Ensuite, daprès les informations fournies par le Gouvernement, les autorités concernées ont longuement tenté de dialoguer, en vain, et un temps de réflexion lui a été accordé et prolongé. En outre, linterdiction était limitée au cours déducation physique, si bien que lon ne peut parler dune interdiction stricto sensu (voir Köse et autres, précité). Par ailleurs, il ressort des circonstances de la cause que ces incidents avaient entraîné un climat général de tension au sein de létablissement. Enfin, il apparaît aussi que ce processus disciplinaire était assorti de garanties principe de légalité et contrôle juridictionnel propres à protéger les intérêts des élèves (mutatis mutandis, Leyla Sahin, précité, § 159).
75. Quant au choix de la sanction la plus grave, il y a lieu de rappeler que, sagissant des moyens à employer pour assurer le respect des règles internes, il nappartient pas à la Cour de substituer sa propre vision à celle des autorités disciplinaires qui, en prise directe et permanente avec la communauté éducative, sont les mieux placées pour évaluer les besoins et le contexte locaux ou les exigences dune formation donnée (mutatis mutandis, Valsamis c. Grèce, 18 décembre 1996, § 32, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI). Sagissant de la proposition de la requérante de remplacer le foulard par un bonnet, outre le fait quil est difficile pour la Cour dapprécier si le port dun tel vêtement est compatible avec la pratique du sport, la question de savoir si lélève a témoigné dune volonté de compromis, comme elle le soutient, ou si au contraire elle a excédé les limites du droit dexprimer et de manifester ses croyances religieuses à lintérieur de létablissement, comme le prétend le Gouvernement et qui semble en contradiction avec le principe de laïcité, relève pleinement de la marge dappréciation de lEtat en la matière.
76. La Cour estime, eu égard à ce qui vient dêtre rappelé, que la sanction de lexclusion définitive napparaît pas disproportionnée, et constate que la requérante a eu la faculté de poursuivre sa scolarité dans un établissement denseignement à distance. Il en ressort que les convictions religieuses de la requérante ont été pleinement prises en compte face aux impératifs de la protection des droits et libertés dautrui et de lordre public. Il est également clair que ce sont ces impératifs qui fondaient la décision litigieuse et non des objections aux convictions religieuses de la requérante (voir Dahlab, précité).
77. Ainsi, eu égard aux circonstances, et compte tenu de la marge dappréciation quil convient de laisser aux Etats dans ce domaine, la Cour conclut que lingérence litigieuse était justifiée dans son principe et proportionnée à lobjectif visé.
78. Partant, il ny a pas eu violation de larticle 9 de la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE LARTICLE 2 DU PROTOCOLE No 1
79. La requérante estime avoir été privée de son droit à linstruction, au sens de la première phrase de larticle 2 du Protocole no 1, qui dispose :
<< Nul ne peut se voir refuser le droit à linstruction (...) >>
80. Le Gouvernement estime, en premier lieu, que la requérante na pas valablement épuisé les voies de recours internes, dans la mesure où elle na soulevé ce grief devant aucune des juridictions nationales saisies. Il relève, en second lieu, que la mesure litigieuse na pas porté atteinte à la substance même du droit à linstruction, dès lors quelle a pu continuer à recevoir des enseignements malgré son exclusion.
81. La requérante estime avoir été privée de son droit à linstruction dans la mesure où elle a dû suivre des cours par correspondance alors que la sanction reposait sur lobligation dassiduité quelle na pas voulu contourner.
82. La Cour relève que ce grief est lié à celui examiné ci-dessus et doit donc aussi être déclaré recevable.
83. La Cour rappelle que le droit à linstruction nexclut pas en principe le recours à des mesures disciplinaires, y compris des mesures dexclusion temporaire ou définitive dun établissement denseignement en vue dassurer lobservation des règles internes des établissements. Lapplication de sanctions disciplinaires constitue lun des procédés par lesquels lécole sefforce datteindre le but pour lequel on la créée, y compris le développement et le façonnement du caractère et de lesprit des élèves (voir, notamment, Campbell et Cosans c. Royaume-Uni, 25 février 1982, § 33, série A no 48 ; voir aussi, en ce qui concerne lexclusion dun élève de lécole militaire, Yanasik c. Turquie, no 14524/89, décision de la Commission du 6 janvier 1993, DR 74, p. 14, ou lexclusion dun étudiant pour fraude, Sulak c. Turquie, no 24515/94, décision de la Commission du 17 janvier 1996, DR 84-B, p. 98).
84. En lespèce, la Cour estime que nulle question distincte ne se pose sous langle de cette disposition invoquée par la requérante, les circonstances pertinentes étant les mêmes que pour larticle 9, de sorte quil ny a pas lieu dexaminer le grief tiré de larticle 2 du Protocole no 1.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À LUNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit quil ny a pas eu violation de larticle 9 de la Convention ;
3. Dit quil ny a pas lieu dexaminer le grief tiré de larticle 2 du Protocole no 1.
Fait en français et en anglais, puis communiqué par écrit le 4 décembre 2008, en application de larticle 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Claudia Westerdiek Peer Lorenzen
Greffière Président
NOTAS:
(1). . Voir le rapport de linspection générale de lEducation nationale, remis au ministre en juillet 2005 : « Application de la loi du 15 mars 2004 ».